Samedi 7 avril – Bibliothèque Alexis de Tocqueville
14h30 – 16h30 : Rencontre avec Muriel Champy à l’issu de la projection du film Espoir Voyage
En mettant en parallèle les mobilités historiques des jeunes Burkinabè vers les plantations de Côte d’Ivoire et les trajectoires des jeunes ayant rejoint la rue à Ouagadougou, Muriel Champy reviendra sur l’idée que le départ « en aventure » constituerait localement une forme d’épreuve initiatique, nécessaire pour devenir un homme accompli.
Muriel Champy est docteure en anthropologie, enseignante à l’université Paris Nanterre. Ses recherches portent sur les bakoroman, ces enfants et jeunes adultes qui vivent et dorment dans les rues de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. Elle a suivi ces jeunes fugueurs au cœur du réseau fourmillant de l’économie informelle urbaine, entre mendicité, ramassages d’ordures, petits boulots, vol, trafics et recel. Après deux ans d’observations, d’entretiens biographiques et de travaux quantitatifs auprès de bakoroman, d’anciens bakoroman et de leurs familles, elle a montré que vivre dans la rue ne signifie pas nécessairement de se couper de sa famille. Au Burkina Faso, la mobilité juvénile masculine constitue en effet une forme tolérée d’individualisation temporaire. Les bakoroman se présentent plutôt comme de simples aventuriers « à la recherche de l’argent », dans la continuité des mobilités historiques vers les plantations ivoiriennes ou vers les grands centres urbains, en quête de ressources, d’expériences et de réseaux.
L’étude de ce phénomène sociologique transitoire a ainsi constitué une porte d’entrée précieuse pour une meilleure compréhension de l’enfance, de la jeunesse et de l’âge adulte dans le contexte burkinabè. En mettant en perspective les trajectoires singulières des jeunes de la rue avec d’autres formes historiques de mobilité juvéniles dans cette région du monde, le temps du bakoro offrait donc une façon originale et décalée de réfléchir à la place que l’organisation communautaire laisse à l’individu afin de mieux toucher à ce qui, dans la société burkinabè contemporaine, fait — ou ne fait pas — d’une personne un homme « respectable » et accompli.